Réponse au maire communiste d’Echirolles, qui justifie le voile de sa conseillère municipale

Publié le par Comité 1905 Draguignan

mardi 2 septembre 2008, par Christine Tasin, Mireille Popelin


En réponse à la lettre d’une de ses administrées protestant contre le port du voile d’une des élues au Conseil Municipal dans le cadre de ses fonctions, le Maire d’Echirolles (38) lui a envoyé une missive surprenante qui mérite la réponse de Riposte Laïque.

Monsieur le Maire,

Vous affirmez que "la laïcité est et doit rester le soc inébranlable de notre République" et que vous êtes "un ardent défenseur" de cette laïcité. Il nous semble paradoxal de prétendre défendre la laïcité en acceptant, au Conseil municipal, une femme qui affiche ostensiblement ses convictions religieuses et son refus de l’égalité homme-femme (égalité qu’elle est censée prôner, nous vous le rappelons !).

Vous dites par ailleurs que la laïcité est acquise "à la naissance mais qu’elle n’est jamais un acquis définitif."

Nous en sommes bien d’accord mais nous vous rappelons que c’est, précisément, pour cette raison que les élus de la République doivent être vigilants et appliquer à la lettre la loi de 1905. Or, cela fait des années que les élus, de droite comme de gauche, s’attaquent à ce socle de la République, en accordant des subventions aux associations "culturelles" qui masquent des associations "cultuelles" : les exemples en sont trop nombreux, hélas !

 

Ainsi à Lyon, le maire a accordé plus de 1 million de subvention à Sant’ Egidio, une association qui prône la paix... en faisant du prosélytisme ouvert, catholique celui-là. Le maire, comme vous, se dit laïque mais "ouvert". Cette fois, la municipalité a été condamnée ! On évoquera aussi les baux emphytéotiques pour la construction de lieux de cultes qui sont des subventions déguisées et sans fin (les religions sur notre territoire étant de plus en plus nombreuses et de plus en plus exigeantes) faites avec l’argent du contribuable qui aimerait, dans une période de vache maigre comme la nôtre, une utilisation plus conforme au bien commun.

Vous prétendez par ailleurs que Besma Mecheta se présente comme "une militante laïque, renvoyant à la sphère privée sa pratique religieuse ". Il s’agit là d’un argument plus que spécieux. Si Besma Mechta renvoyait à la sphère privée sa pratique religieuse, elle enlèverait son voile, tout simplement, car " le turban" de Madame Besma Mechta est bien un voile, Monsieur le Maire, qu’elle impose dans la sphère publique ! Quant à prétendre que son turban serait moins religieux qu’un voile, c’est refuser de voir la réalité des choses : cette femme, pour obéir à des préceptes archaïques, doit cacher ses cheveux, elle le fait et vous l’acceptez.

Sachez qu’ainsi vous créez un précédent : bientôt, les élus, partout, pourront imposer leurs tenues "aménagées " (comme au Canada) tantôt voiles, tantôt kippas, tantôt robes de moine "tibétain" (très tendance en ce moment, le bouddhisme étant la 3e religion de France). Je vous rappelle que notre journal a protesté contre la tenue religieuse d’un moine bénédictin élu dans un petit village de Bretagne. Les catholiques seront ravis de voir un maire communiste voler à leur secours.

Enfin, vous osez affirmer qu’avec le temps le turban va tomber tout seul. Nous avons entendu ces sornettes en 1989, quand vos semblables nous expliquaient, à l’école, que le jean se substituerait au voile. Il a fallu quinze ans pour comprendre qu’il fallait faire une loi ! Seriez-vous aveugle, Monsieur le Maire ? Ne verriez-vous pas, dans nos villes, se multiplier vitesse Grand V les voiles dans les rues ? Monsieur le Maire, vous n’avez rien compris, ou plutôt, vous faites semblant de n’avoir pas compris. Pas compris que le voile est un symbole politique, il exprime précisément le refus de l’intégration, le refus de la République laïque ! Nous préférons croire que vous n’avez rien compris, plutôt que de penser que vous faites un calcul cynique et électoraliste, pensant que le voile de votre co-listière vous ramènerait des voix.

Ces militantes du voile sont l’armée d’un combat de l’islam CONTRE la République et la laïcité !

Non seulement cette militante n’enlèvera pas son voile, mais elle soutiendra l’entrisme d’autres militantes qui se serviront de ce précédent pour exiger, toujours un peu plus, la main sur le nikab " plus laïque que moi tu meurs " entraînant, à la suite, toutes les autres religions et la remise en cause la la laïcité, fondement de notre République !

En soutenant ce voile, vous soutenez le communautarisme que vous prétendez combattre : vous faites la même politique que Nicolas Sarkozy, qui veut aménager la loi 1905 et prône la laïcité positive à Ryad et à Rome.

Avouez que pour un maire communiste, soutenir une politique de droite, libérale et communautariste c’est plus que surprenant.

Mais demandez-vous surtout s’il est normal que les enfants de votre ville s’identifient avec une élue, qui, parce qu’elle est femme, et uniquement pour cette raison, est obligée de cacher ses cheveux ? Quand la laïcité n’a jamais été autant attaquée, votre attitude est irresponsable et honteuse, et indigne d’un homme de gauche.

Mireille Popelin et Christine Tasin

LETTRE DE RENZO SULLI, MAIRE D’ECHIROLLES

Madame, Renzo SULLI

Je vous remercie de votre courrier qui soulève une question très importante : celle du combat pour la laïcité, qui est et doit rester le socle inébranlable de notre République. Vous le savez, j’en suis un ardent défenseur et je partage donc complètement vos positions sur le sujet.

Mais la laïcité n’est ni un acquis définitif, ni donné à chacun de nous à la naissance. Elle est le fruit d’un modèle culturel dans lequel nous baignons dès notre enfance et qui nous fait adhérer à ses valeurs. Au-delà de cette éducation, nous en mesurons en grandissant et dans la pratique tous les effets bénéfiques, ceux qui nous protègent de l’intransigeance, qui permettent aux hommes et aux femmes de garder leur libre arbitre, aux peuples d’échapper à certaines guerres.

La laïcité n’est jamais un acquis définitif et le combat pour sa protection et son développement doit être quotidien et vigilant.

 

Que faire alors de ces Français, venus d’ailleurs, imprégnés d’autres cultures et traditions et qui n’ont pas eu la chance d’être les héritiers de 1789, et bien plus tard de la loi 1905. 111 ans pour convaincre le peuple de France du bien fondé de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Certains d’entre eux ne veulent pas en entendre parler et préfèrent rester dans leur approche religieuse de la société, voire se radicalisent.

D’autres commencent à « s’ouvrir », font les pas qu’ont eu à faire nos grands-pères, en France comme dans le reste de l’Europe pour enfin adhérer à ces valeurs.

D’autres enfin s’engagent davantage pour revendiquer le droit de vivre dans une République laïque (même en restant croyants par ailleurs), ils mesurent la liberté qui s’ouvrent ainsi à eux, celle que certains de leurs ancêtres avaient pu déjà connaître dans une période trop éphémère de l’Andalousie musulmane et éclairée.

Ils font ce chemin, agissent auprès de nous, militent dans les associations et confortent leur confiance en notre modèle laïque.

Besma Mechta est de ceux-là. Elle est engagée depuis plusieurs années dans la vie associative. Elle est très investie dans Cité Plurielle. Elle a rejoint enfin le groupe communiste et partenaires de la ville. Elle est par ailleurs écrivain public à titre bénévole.

Elle se présente dans tous ses engagements comme une militante laïque, renvoyant à la sphère privée sa pratique religieuse.

Pour tous ceux et celles qui hésitent encore, qui attendent un signe de nos institutions pour conforter leur choix, elle est un symbole. Pas celui d’un retour en arrière, mais bien celui d’un pas en avant. Elle montre qu’on peut être laïque et musulmane. Elle doit servir d’exemple, pour ouvrir la porte à tous les autres. Si nous ne le faisons pas, nous renverrons des millions de musulmans à un repli identitaire et communautaire. En le faisant, nous leur offrons un autre modèle identitaire qui les respecte et leur permet d’avancer. Sans jamais renier notre engagement laïc, toujours clairement affirmé.

Alors certes, il lui reste un turban sur la tête et non pas un voile, cet espèce de « fichu » ou de foulard que portaient encore nos grands-mères il n’y a pas si longtemps…par tradition. Laissons le tomber tout seul. Demain, j’en suis convaincu, beaucoup d’autres nous rejoindront pour s’intégrer enfin comme français laïcs, croyants ou non. La laïcité aura alors gagné une nouvelle victoire.

Quant à l’aspect plus politique de votre courrier, je voudrais vous faire part des réflexions suivantes.

Depuis 30 ans que la gauche dans son ensemble prône l’intégration des personnes d’origine étrangères (sans avoir par ailleurs tenu ses promesses notamment celle du droit de vote aux élections locales) avez-vous constaté une baisse du communautarisme et un repli du fait religieux de cette population ? Non, c’est le contraire qui s’est passé, faute pour cette population d’être acceptée à participer à notre république.

C’est sur ce terrain de la non intégration, et de la discrimination à l’emploi, sociale, et politique dont souffre cette population, qu’ont prospéré les idées rétrogrades, le repli identitaire et religieux, et que la condition des femmes et des jeunes filles s’est dégradée.

Pour « soulager » les populations du poids religieux, quelle est votre proposition ? et à qui s’adresse-t-elle ? Aux seuls musulmans ou aussi aux autres religions comme la religion catholique par exemple ?

Cette dernière est toujours contre l’IVG, la contraception ou le divorce. Leurs représentants sont pourtant présents à tous les postes de notre république dans les assemblées d’élus nationales ou locales. Alors certes ça ne se voit pas, les femmes ne couvrent plus leurs cheveux comme le faisaient avant leurs mères ou leurs grands-mères.

Pour les musulmans la solution serait simple et hypocrite jusqu’au bout, ne choisir que des hommes qui eux n’ont pas de couvre-chefs traditionnels. Une bonne façon sans doute d’améliorer la condition des femmes.

Pensez-vous vraiment que c’est en continuant à exclure les personnes qui font le pas de la laïcité que nous permettrons à la laïcité d’avancer.

Nous autres occidentaux nous sommes prompt à donner des leçons de démocratie et d’émancipation aux autres peuples de la terre, sans que ne nous effleure jamais l’idée du temps qu’il nous a fallu pour y parvenir, et que nous ne leur reconnaissons pas, l’idée que peut-être il leur appartenait de tracer eux-mêmes leur chemin pour y parvenir. Gardons toujours à l’esprit comment « notre modèle de développement » a finalement affamé l’Afrique et favorisé par la même, la radicalisation des religions dans certains pays.

Je ne dirais jamais de Benhazir Bhutto qui continuait à porter le voile en certaines circonstances qu’elle était un symbole de l’oppression des femmes ; ni des militantes Marocaines, Tunisiennes, Algériennes ou d’Afrique noire plus généralement du droit des femmes qu’elles sont traîtres à leur cause parce qu’elles continuent à respecter certaines traditions tout en poursuivant leur combat.

Continuons d’exiger un 20 sur 20 à notre examen de laïcité, et continuons à faire avancer le fait religieux. La laïcité n’est pas un dogme, c’est un combat ! Je crois que vous le partagez.

Aussi, en évitant toute confusion, je vous invite à aider ceux qui s’engagent sur ce chemin et qui serviront de modèles aux autres, plutôt que de les stigmatiser.

Le jour où faute d’avoir réussi cette ouverture et cette intégration nous ne serons plus qu’un « village d’irréductibles gaulois » gardiens du dogme, peut-être serons-nous restés purs et durs et fiers de l’être, mais notre monde aura fait un grand pas en arrière.

Maire d’Echirolles

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