La dérive communautaro-religieuse de certaines associations laïques

Publié le par Comité 1905 Draguignan

mardi 24 juin 2008, par Valentin Boudras-Chapon


Apres la défaite de la Papauté et de l’Eglise catholique tout entière qui ne put s’opposer au vote de la loi de séparation des églises et de l’Etat de 1905 en France et son application les années suivantes (tout au moins pour l’essentiel), malgré des anathèmes d’une violence inouïe (une très pernicieuse erreur...très gravement injurieuse pour Dieu… selon l’encyclique « Vehementer nos » de 1906) et des appels à la désobéissance civique (refus de constituer des associations cultuelles pour obliger les communes à se charger de l’entretien des églises), la Papauté changea alors de registre, et fit semblant non seulement d’accepter cette séparation des églises et de l’Etat , mais aussi, tant qu’à faire, l’idée même de laïcité, tout en dénaturant, bien sûr, petit à petit jusqu’en totalité l’ essence philosophique et politique de ce concept. Et pour cette stratégie, elle obtint en France le soutien de quelques autres forces religieuses (israélites conservatrices, protestantes évangéliques et même calvinistes, et musulmanes dans leur presque totalité), et aussi en Europe et dans le monde en général.

Or, cette stratégie est remise au goût du jour : l’idée en est simple : si le mot laïcité fait rêver l’humanité pour son implication de liberté de conscience et de tolérance, changeons-en le fondement, faisons croire que la liberté de conscience et la tolérance se défendent d’abord à travers chaque communauté religieuse, qui pourra ainsi reprendre progressivement son emprise sur ses fidèles respectifs (et le glissement se fera imperceptiblement : il ne s’agira plus de liberté absolue de conscience pour chaque individu mais de liberté de conscience communautaire, ni de tolérance mutuelle mais de tolérance entre communautés) ; et la séparation des églises et de l’Etat devra être aménagée par des lois revenant progressivement sur le principal, toujours sous prétexte de tolérance et de liberté religieuses. Certes, pour l’Eglise catholique, il a fallu faire alliance avec les israélites conservateurs et orthodoxes, les protestants fondamentalistes, et les organisations musulmanes dans leur ensemble (mais tant pis, si Paris vaut bien une messe, l’hégémonie retrouvée de l’église catholique sur les consciences de ses fidèles vaut bien quelques concessions aux « hérétiques, aux descendants des assassins du Christ et aux mahométans »).

Cette stratégie marche désormais au-delà de leurs espérances, puisque nombre d’athées convaincus, souvent enfants et petits-enfants de combattants pour la laïcité du XIXème et début du XXème siècle, non seulement arrivent, face à ces anathèmes, à se sentir coupables d’intolérance en restant fermes et intransigeants, mais aussi en infériorité intellectuelle et spirituelle face aux religieux, ce qui est encore plus grave, d’où l’invraisemblable reculade continue des organisations laïques, en commençant par la Ligue de l’Enseignement depuis 40 ans, la Ligue des Droits de l’Homme ensuite, jusqu’à la direction de l’Union des Familles Laïques dans une date récente.

En 50 ans, on a donc eu droit, d’abord à l’idée d’une laïcité moderne, puis ouverte (sous-entendu le concept élaboré de 1789 à I946 en France est ringard, car fermé aux croyants, et est affublée de la qualification infamante de « système laiciste intolérant » comme le nommait Benoit XVI), cette idée est assimilée et reprise ensuite par les athées précédemment cités qui se sentent désormais coupables d’intolérance, voire de racisme vis à vis des émigrés musulmans qui veulent pourtant imposer les règles et le droit de la Charia (soumission des femmes notamment par le port de la burka, refus du droit pour les "musulmans de naissance" de changer de religion ;.....) Et on a même droit, dans d’anciennes organisations laïques comme le MRAP, à l’invasion et à la prise de pouvoir des islamogauchistes qui soutiennent sans vergogne ces organisations musulmanes cléricales pour la raison qu’elles représentent les émigrés exploités par un capitalisme post-colonial.

Le dernier avatar est sans contexte la « laïcité positive » prônée par Sarkozy et Benoit XVI., explicitée avec ô combien de brio par le fameux discours de Latran de Sarkozy le 20 décembre 2007. « Ce sont les religions ... qui nous ont appris les principes de la morale universelle, l’idée universelle de la dignité humaine, la valeur universelle de liberté et de la responsabilité, de l’honnêteté et de la droiture. ... C’est peut-être dans le religieux que ce qu’il y a d’universel dans les civilisations est le plus fort. » Pour lui, l’universalité est donc bien de source religieuse et non d’une avancée philosophique issue des « Lumières » concrétisée par une Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen datant seulement de 1789. Les conséquences de ces affirmations vont alors de soi, selon Sarkozy, « Les religions sont un plus pour la République » et il s’agit donc de trouver les formules politiques, juridiques et légales pour permettre l’organisation d’un retour du religieux dans l’espace public au nom d’une certaine « laïcité positive » C’est la mission qui a été donnée au rapport Machelon ,commandé par Sarkozy. Citons les principales dispositions proposées.

 élargir l’objet social des associations cultuelles aux activités culturelles et sociales afin de pouvoir bénéficier de subventions publiques et d’exonérations fiscales.

 reconnaissance d’utilité publique pour ces associations cultuelles pour permettre l’exonération fiscale des dons et legs, en leur reconnaissant des missions de service public comme la contribution à l’éducation ou à la culture, à l’intégration ou le développement d’activités caritatives.

 mission aux maires de prévoir des espaces réservés aux lieux de culte dans leurs documents d’urbanisme et de « leur donner un caractère d’opposabilité, car l’ouverture de lieux de culte contribue à renforcer le lien social dans les quartiers ».

 création juridique d’un « bail emphytéotique administratif spécifique avec option d’achat à l’issue du bail » permettant une durée nécessairement limitée d’un loyer modéré avant l’acquisition (il est vrai que Caroline Fourest lors d’une réunion publique à Grenoble en 2006 avec Bernard Teper, président de l’Ufal, s’est déclarée publiquement en faveur de ce genre de solution !)

 Modification du code général des collectivités territoriales pour que des aides directes à la construction de lieux de culte soit possible.

 Extension de l’obligation de l’entretien par les collectivités territoriales des lieux de culte (et là au sens large, en y associant les lieux servant à l’enseignement, aux activités culturelles et sociales) et même de cimetières privés confessionnels !

 Reconnaissance des associations cultuelles dans les organes représentatifs de la vie associative (on pense bien sûr au projet de les introduire dans le Conseil Economique et Social).

 etc.... c’est le retour expressément à un régime concordataire, donc antilaïque.

Toutes ces dispositions sont accompagnées de propositions précises de privatisations de missions de services publics laissées donc aux organisations religieuses qui renforceraient ainsi leur pouvoir clérical ; c’est le remplacement de l’intérêt général par de multiples intérêts privés dans la droite ligne idéologique de la communautarisation de la société : le stade suivant serait bien sûr l’instauration de droits individuels différents selon l’appartenance de chacun à sa communauté , signifiant la fin définitive de l’égalité en droit, principe-postulat du concept de Laïcité.

Cette offensive idéologique de destruction de la laïcité dans son objet d’émancipation individuelle et collective est certainement à relier à la conception du « choc des civilisations » élaborée par Huntington dans le 2ème moitié du XXème siècle, qui prétend que les nations dites occidentales en présentant une civilisation spécifique différente de la civilisation chinoise et de la civilisation islamique considérée comme la plus dangereuse pour l’hégémonie occidentale doivent s’organiser pour le conflit inévitable et pouvoir garder ainsi en tant que telles leur domination sur le monde. (Lisez et écoutez avec attention les discours de Sarkozy : le concept de civilisation est répété sans cesse, celui de famille occidentale aussi). C’est également tout le sens qu’il faut donner au discours de Ratisbonne de BenoitXVI dans lequel il disait sans détour que pour les chrétiens, la foi était sous-tendue par une alliance avec la raison qui était ainsi au service de la foi, alors que l’Islam se passait de la raison pour promouvoir la foi : c’était enseigner que ces 2 civilisations étaient opposées fondamentalement.

Or l’obstacle de fond à cette conception de choc de civilisation et à ses conséquences est le concept de laïcité qui prône la liberté individuelle, l’égalité en droit et la fraternité sociale comme valeurs universelles, car quand il est appliqué, il n’y a plus, dans l’Etat-nation républicain laïque de n’importe quel continent, que des citoyens égaux en droit, quelle que soit leur origine et appartenance communautaire, ce qui les rend libres de toute domination communautariste, et on ne peut plus alors parler de préparer de « choc de civilisations ».

Pour faire sauter ce verrou de laïcité, les Sarkozy et autres Benoit XVI se voient contraints de faire alliance avec leurs adversaires, les islamiques ; eux-mêmes font la même démarche en invoquant la tolérance religieuse pour s’implanter sur le territoire dit occidental ; mais chacun ment sur l’objectif final, de BenoitXVI et Sarkozy à Tarik Ramadan , qui est celui de dominer l’autre.

Leur objectif commun est donc la destruction de la laïcité : la conception de laïcité ouverte ou positive n’est ainsi que le cheval de Troie de cette stratégie.

Valentin Boudras-Chapon

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