Pour la gifle républicaine et pédagogique

Publié le par Comité 1905 Draguignan

lundi 2 mars 2009, par Lucette Jeanpierre


Nul n’a oublié la campagne présidentielle de 2002, quand François Bayrou, alors au plus bas dans les sondages, a donné une gifle à un gamin d’une douzaine d’années qui lui faisait les poches. Naturellement, l’ineffable Cohn-Bendit avait défendu le pauvre gamin, et accusé Bayrou de geste fasciste, rien de moins ! Mais le père du gamin n’avait pas porté plainte contre celui qui était à l’époque le leader de l’UDF. En tout cas, ce geste avait valu à Bayrou une popularité nouvelle, et une spectaculaire progression dans les sondages.

Un élu de Maisons-Laffitte, Jacques Barreau, n’a pas eu cette chance. D’après Le Parisien du samedi 28 février, édition Yvelines, cet homme était dans un cinéma d’Arts et d’Essai, bien connu des amateurs du septième art. Il a le malheur d’être assis près d’un adolescent de 14 ans, accompagné de deux amies, qui se montraient fort bruyants. Il a l’insolence de leur faire remarquer, et de leur demander d’arrêter. Il se fait envoyer sur les roses par le jeune garçon.

Celui-ci, voulant sans doute impressionner ses deux amies, récidive, et renouvelle, peu après, ses provocations. Manque de chance pour lui, le quinquagénaire à le sang bouillant, il se lève, et met une bonne gifle au gamin, ainsi que quelques coups. Ce qui aurait pu n’être qu’une simple mise au point, voire une salutaire leçon pour ce futur adulte, devient un fait divers qui fait la « une » de l’édition régionale. Le journaliste qui traite cette affaire, Julien Constant, fait preuve d’une partialité invraisemblable, bien digne de la bien-pensance qui sévit trop souvent dans ce milieu.

 

Le titre est déjà révélateur : « L’élu frappe l’ado dans le cinéma ». Le reste du texte est à l’avenant, « l’élu a perdu le contrôle de ses nerfs ». On parle des « protagonistes » de la bagarre, comme si cela était un règlement de comptes de bandes rivales. Naturellement, le gamin est présenté comme la victime, souffrant du visage, d’un bras et de la cuisse. Et bien évidemment, le père du perturbateur a déposé plainte contre l’élu. Ce dernier a dû « aller s’expliquer au commissariat », avant d’être « autorisé à rentrer chez lui ».

Seul, le maire de Maisons-Laffitte, Jacques Myard, est dans un autre registre : « Je suis certain que Jacques Barrreau n’avait pas tort. Ce garçon était un perturbateur. Ce n’est pas un môme qui va faire la loi ». Ces propos, qu’un Cohn-Bendit jugerait profondément réactionnaires, ne respirent-ils pourtant pas le bon sens ?

Lequel d’entre nous n’a-t-il jamais été confronté à l’insolence, aux menaces, aux provocations de gamins qui, de plus en plus jeunes, se croient tout permis, convaincus de bénéficier d’une impunité totale ? Quel enseignant n’a-t-il pas eu envie, un jour, de décoller une bonne gifle à un garnement insolent ? Je l’avoue, moi-même enseignante, il m’arrive de bousculer durement, dans la cour de récréation, des gamins qui, malgré les remontrances, n’arrêtent pas d’agresser physiquement les autres. Il m’arrive de les secouer brutalement, et, de temps en temps, cela tombe. Je n’en fais surtout pas une règle de conduite, mais je ne vois pas pourquoi les enseignants seraient privés de cette arme, dans certaines circonstances. Sans doute aurais-je une plainte contre moi un jour, mais je ne vois pas comment réagir immédiatement, à chaud, devant certaines attitudes provocatrices, je rends service au gamin, et lui fixe des limites. Je suis consternée devant la passivité de la majorité de mes collègues, devant des scènes analogues.

Quel adulte, dans un bus, n’a pas eu envie de claquer le museau de mômes qui ne respectent pas leurs voisins, multiplient les bousculades, les exclamations bruyantes, les grossièretés, et se montrent prêts à insulter, voire à molester, le premier qui oserait leur faire une remarque. J’ai été, dans un bus de Marseille, confrontée à cette situation il y a un an. Cinq gamins, âgés de dix à douze ans, indisposaient tous les passagers, en parlant très fort, et en se poussant les uns les autres. Personne n’osait réagir. Excédée, au bout d’un moment, je leur fis remarquer que cela serait bien qu’ils se calment, et qu’ils fassent moins de bruit. Que n’avais-je pas dit ! Je fus harcelée, insultée, qualifiée de raciste (les gamins étaient tous typés maghrébins), et finalement traitée de salope par le plus déterminé d’entre eux. Mon sang ne fit qu’un tour, et je lui retournais une bonne claque cinglante dans le museau. Les insultes reprirent de plus belle, et je me retrouvais seule face au groupe menaçant, le reste des voyageurs, sans doute terrorisés, sans doute un peu lâche, sans doute un peu les deux, regarda ailleurs. Personne n’intervint. J’ai choisi de me taire, et de descendre à la prochaine station.

Echaudée par cette mésaventure, je m’étais promis de ne plus me retrouver dans de pareilles situations. Dernièrement, de passage en région parisienne, je vis un jeune homme, âgé d’à peine vingt ans, apparemment de bonne famille, en compagnie d’une femme qui paraissait être sa mère. Avec un grand sans-gêne, il posait ses pieds, à plat, sur le siège situé en face de lui. Le sang bouillait en moi, mais je choisis de me taire. Quel ne fut pas mon plaisir quand un homme, âgé d’une cinquantaine d’années (cela aurait pu être ce conseiller municipal de Maisons-Laffitte), se leva, et, avant de descendre du RER, interpella bruyamment le jeune homme : « Cela ne vous pose pas de problème d’essuyer vos pieds sur le siège où va s’asseoir un passager ? ». Surpris, il choisit de contre-attaquer : « Qu’est-ce que cela peut vous foutre, je fais ce que je veux ! ». Mais l’homme ne s’en laissa pas compter : « C’est votre mère qui devrait s’interroger, quant à l’éducation qu’elle vous a donnée ». Deux autres hommes, à peu près de la même génération, vinrent prêter main forte au courageux voyageur, et firent comprendre au gamin que cela serait vraiment bien qu’il retire ses pieds du siège, ce qu’il finit par faire.

Mais pour ces deux anecdotes, combien de silences honteux, voire de propos courageux qui se terminent par des coups, à l’encontre de ceux qui ont eu l’outrecuidance de réagir.

Cette mésaventure de l’élu de Maisons-Laffitte ne résume-t-elle pas, à elle seule, un des problèmes de la France de ces trente dernières années : le culte de l’enfant roi, et l’incapacité de nombreux adultes à établir un rapport d’autorité avec leurs enfants. Heureusement, l’Union européenne, où d’autres Cohn-Bendit doivent sévir, mène une campagne active pour interdire la gifle dans l’ensemble des pays européens.

Pourtant, Platon n’avait-il pas tout compris, quand il disait : "Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus, au-dessus d’eux, l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, Le début de la tyrannie."

On se souvient, il y a dix ans, du lynchage de Chevènement, devant le terme pourtant gentillet de sauvageon. Qui osera, devant l’aggravation de la situation, rappeler ces sages paroles de Platon, et faire cesser ce culte de l’enfant roi, forcément enfant tyran ?

Lucette Jeanpierre

Publié dans Politique et société

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C
Madame,<br /> <br /> Je suis entièrement d'accord avec vous sur le point que les jeunes doivent respecter les règles de vie en société et que les adultes n'assument pas toujours leur rôle d'éducateurs,c'est-à-dire rappeler aux jeunes que leur comportement peuvent gêner et pourquoi. Cependant je ne suis pas d'accord sur les moyens. Je ne pense pas que les coups aideront les jeunes à mieux respecter les règles. Les jeunes ont besoins d'être respecter tout autant que nous les adultes. D'abord reconnaître leurs besoins de s'exprimer, de se valoriser dans le groupe, de se distraire: "oui, vous avez envie de vous amusez!" et ensuite le confronter à nos besoins de calme, nous les adultes " moi, j'ai travaillé toute la journée et je suis fatiguée, j'ai vraiment besoin de calme. Nous sommes tous dans le même bus. Pensez-vous que nous pourrions trouver une solution pour que nous soyons tous biens?". Les jeunes seront sans doute surpris par cette réaction non agressive et sincère. Ils vont sûrement rire pour cacher leur gêne. Mais le dialogue peut désamorcer la tension.<br /> J'apprends à mes garçons le respect mutuel. C'est un travail quotidien et difficile. L'agressivité est si facile. Si nous, les adultes nous sommes plus respectueux (même entre nous)des régles et des besoins des autres peut-être que les enfants le seront plus.<br /> Une maman
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